Les fouilles
Glisser la clef dans la serrure et entrer dans l’endroit. Le respirer, le humer, le sentir par tous les pores de sa peau, s’en laisser pénétrer.
Observer les objets laissés là, de l’époque du lycée ou celle du squat, cahiers, assiette pleine de nourriture moisie, seringues, croquettes de chien, vase, plannings, tissu ouvragé, notes, peluches, stylos, matelas, casseroles, peinture, vêtements, plaque chauffante, bulletins de notes, stéribox, machines à coudre, lit de bébé, shampooing, canette de 8.6.
Ecouter chaque objet raconter son histoire.
Y retourner. De façon obsessionnelle, y retourner.
Absorber les écrits du lieu : circulaires administratives, carnets d’élèves, graffitis du squat, lettres inachevées sur des bloc-notes, signalétique de sécurité, autocollants avec des prénoms.
Dessiner une première coupe temporelle, visualisation des strates de l’archéologie.
Tenter de cerner le mystère du bâtiment. Décider de procéder méthodiquement.
Engager une collecte des objets pour garder trace. À la manière des meilleures équipes d’investigation policière, se saisir des objets avec des gants, les glisser dans un sachet individuel, les numéroter, les photographier, noter sur le plan le lieu exact du prélèvement.
Interviewer des personnes qui ont connu le lieu en vie : un surveillant, la dernière proviseure du lycée, l’éducatrice de rue qui a accompagné les occupants du squat.
Commencer à imaginer ces habitants. Michel l’homme à tout faire du lycée, Carole sa fille, Capsule la squatteuse et ses écrits sur les murs comme, Gino le papa de Santino, enfant né dans le squat, et recoller les bouts du puzzle, les prénoms des chiens, les goûts musicaux, les plans de la future maison, les épreuves du bac pro, les tentatives de méthadone. Tenir des conversations imaginaires avec eux.
Lister l’ensemble des protagonistes de l’histoire :
élèves et personnel d’encadrement (enseignants, personnel de la cantine, maintenance etc) / squatteurs, travailleurs sociaux / enfants, enseignants de l’école primaire d’à côté / les voisins du quartier / les ouvriers qui feront les travaux du bâtiment, l’architecte qui conçoit, le bailleur social qui met en œuvre, ainsi que ses futurs occupants : jeunes travailleurs et anciens combattants marocains.
Commander un herbier à une botaniste pour l’espèce invasive la plus pérenne, la plus tranquille et la plus tenace.