World of deserted places
En prévision des travaux et de l’arrivée des ouvriers, les adolescents du quartier avaient déblayé le lycée lors d’un chantier éducatif. Grâce à l’argent collecté, ils avaient pu partir en vacances en Espagne au mois d’août ; c’était ce qui se faisait dans les quartiers pauvres pour allier apprentissage, autonomie, motivation et possibilité de partir. Pendant un mois de juillet caniculaire, ils avaient porté, jeté, rompu, soulevé près de trois tonnes des déchets du squat et du lycée. Malgré les bons souvenirs espagnols, le lycée était associé pour eux à de la saleté, un travail dur, exigeant, désagréable, et bien sûr des images de seringues, de tristesse, de déchéance. Comme pour tous les protagonistes du lieu, il était important qu’ils y reviennent et qu’un rituel leur permette de recouvrir d’autre chose ces souvenirs violents.
Ils ont été conviés à un jeu de rôle et de airsoft confié à deux scénaristes, Hugo Fourcade et Sidy Khattry. Une journée durant, recouvrir de peinture et d’énergie sauvage les sols et les murs, éparpiller cris, vengeances, poursuites, coups bas et victoires fracassantes, à la manière brute et sans fard des adolescents, et faire retentir les couloirs de hurlements joyeux et de bousculades.
Le soir, ça a été le tour d’un groupe d’adultes constitué d’habitants et des personnes qui avaient eu quelque chose à voir avec le lycée. Entre 22h et 6 du matin, ils ont arpenté le lycée lors d’un grand jeu de rôle grandeur nature, se perdant dans un scénario brillant et ingénieux qui les fit sortir harassés, émus et heureux au petit matin avec la sensation d’avoir sauvé le monde d’un cataclysme majeur.